Les maladies rétiniennes héréditaires (IRD – Inherited Retinal Diseases) sont un groupe cliniquement et génétiquement hétérogène de troubles touchant la rétine. En règle générale, ces troubles s’accompagnent d’une perte de vision sévère, l’apparition de la maladie pouvant dépendre de différentes raisons, allant des motifs congénitaux, comme dans le monochromatisme à cônes bleus, à des raisons liées à l’âge, par exemple chez des personnes d’un âge avancé. La dégénérescence rétinienne peut être soit graduelle, comme dans le monochromatisme à cônes bleus et l’achromatopsie, soit rapide, menant à différents degrés d’atteinte visuelle et aboutissant souvent à la cécité totale.
Collectivement, ces maladies sont la principale cause de perte de vision dans la population en âge de travailler, avec une prévalence d’environ 1 personne sur 3000. L’IRD la plus fréquente, la rétinite pigmentaire, a une prévalence (pour toutes les mutations génétiques causales de plus de 50 gènes) de ∼1:4500 individus, la maladie de Stargardt ∼1:, le syndrome d’Usher – les 12 gènes – ∼1:25.000, l’amaurose congénitale de Leber ∼1:42.000, et toutes les IRD ∼1:3450 [15].
Qu’est-ce que la rétine ?
La rétine est une mince membrane, située au fond de l’œil, qui joue un rôle fondamental en matière de vision. Elle contient des millions de cellules sensibles à la lumière, les photorécepteurs, ainsi que d’autres cellules nerveuses qui reçoivent et organisent les informations visuelles.
L’étiologie génétique des maladies rétiniennes héréditaires
L’étiologie génétique des maladies rétiniennes héréditaires (les IRD) est très complexe, avec des mutations, identifiées comme facteurs causaux, dans plus de 280 gènes. Du fait que ces gènes encodent des protéines ayant diverses fonctions rétiniennes, ces mutations peuvent affecter différents aspects du fonctionnement de la rétine, dont notamment la structure des photorécepteurs, la phototransduction et le cycles des rétinoïdes.
Dans la plupart des cas, l’hérédité génétique des IRD suit des modèles d’héritabilité simples, tels que :
- la transmission autosomique dominante ;
- la transmission autosomique récessive, comme dans l’achromatopsie ;
- la transmission liée à l’X, comme dans le monochromatisme à cônes bleus ; ou
- la transmission mitochondriale.
Liste de maladies rétiniennes héréditaires
Les maladies rétiniennes héréditaires regroupent une vaste gamme de maladies, dont chacune présente des caractéristiques cliniques et des mutations génétiques spécifiques. Parmi ces IRD :
- le monochromatisme à cônes bleus et l’achromatopsie ;
- la rétinite pigmentaire (RP) : caractérisée par une détérioration graduelle des cellules photoréceptrices, à partir des bâtonnets, elle mène généralement à des symptômes tels que la cécité nocturne et la perte de la vision périphérique ; diagnostiquée chez l’enfant ou l’adolescent, la RP est une maladie héréditaire qui mène souvent à la cécité légale et parfois à la cécité totale. La RP en soi est très hétérogène : on sait que de nombreuses mutations (il en a été reporté près de 3100) survenant dans plus de 50 gènes provoquent une RP non syndromique [11]. Les formes syndromiques de RP sont tout aussi hétérogènes : des mutations dans 12 gènes provoquent le syndrome d’Usher et 17 gènes sont associés au syndrome de Bardet-Biedl ; ces deux maladies syndromiques, ensemble, représentent 1200 autres mutations pathogènes. Dans le syndrome d’Usher, la rétinite [11] se combine à la surdité congénitale, mettant en lumière la nature multi-systémique de certaines IRD. La RP est également connue sous le nom de dystrophie des bâtonnets et des cônes (RCD – rod-cone dystrophy).
- L’amaurose congénitale de Leber (ACL) : ce groupe de maladies rétiniennes héréditaires est caractérisé par une sévère atteinte visuelle ou par une cécité à la naissance ou pendant la petite enfance. Différents phénotypes (de LCA1 à LCA19), avec au moins 29 génotypes, ont été identifiés, qui correspondent à environ 70-80% des cas, ce qui signifie que certains gènes doivent encore être identifiés [12]. Certains experts en matière de maladies rétiniennes considèrent l’ACL comme une forme sévère de rétinite pigmentaire (RP). L’ACL résulte d’une dégénérescence et/ou d’un dysfonctionnement des photorécepteurs, les cellules qui, dans la rétine, permettent la vision. La prévalence de l’ACL à la naissance– pour toutes les mutations génétiques causales – est estimée entre 2 et 3 pour 100.000 naissances [12].
- La maladie de Stargardt : caractérisée par une perte progressive de la vision centrale et survenant généralement chez l’enfant ou l’adolescent, suite à la dégénérescence des cônes dans la macula, la maladie de Stargardt est une forme héréditaire de dégénérescence maculaire, parfois désignée sous le nom de dégénérescence maculaire juvénile ou précoce. La maladie de Stargardt est habituellement une affection autosomique récessive causée par des mutations dans le gène ABCA4, mais on observe également de rares mutations causales sur le gène ELOVL4 impliquant le modèle d’héritabilité autosomique dominant. La maladie de Stargardt est la maculopathie héréditaire la plus fréquente [Mendelian] chez l’enfant et l’adulte, avec une prévalence de 1/10.000, et la deuxième cause de cécité chez la population pédiatrique, après l’amaurose congénitale de Leber [14].
Diagnostic
Un diagnostic clinique précis est très important. Le traitement médical des patients a évolué ces dix dernières années, grâce à des outils diagnostiques plus avancés (par ex., les tests génétiques, les tests non invasifs de la fonction visuelle et les études d’imagerie) [9]. Voir par exemple : Test ADN pour le monochromatisme à cônes bleus.
Il est très important d’établir un diagnostic clinique afin que le patient puisse recevoir des soins adéquats (pronostic, suivi d’éventuelles comorbidités et évaluation d’autres organes pouvant être touchés dans le cadre d’affections syndromiques). Il est également important de dresser un pedigree documentant l’histoire familiale de la maladie de l’œil, en fournissant des informations sur la nature génétique et l’héritabilité de la maladie, mais aussi de communiquer les implications aux autres membres intéressés de la famille [9] et d’aider le patient et sa famille à se préparer, pour mieux y faire face, à la déficience visuelle progressive (consultation basse vision, mesures d’adaptation au travail et soutien psychologique).
Une étape très importante du diagnostic est le test génétique moléculaire (génotypage ou test ADN) du patient, qui peut s’avérer utile pour confirmer le diagnostic et optimiser sa gestion.
Les méthodes permettant d’identifier la cause génétique des IRD ont bien évolué ces dernières années et le test de séquençage de nouvelle génération (NGS), qui utilise un panel de dystrophie rétinienne, constitue une première étape efficace en matière de test génétique. Toutefois, le monochromatisme à cônes bleus est rarement inclus dans ce genre de panel ; par conséquent, si vous souhaitez faire un test ADN pour cette affection, veuillez vous reporter au programme de test ADN gratuit de la BCMFF.
Gestion, traitement et recherche des maladies rétiniennes héréditaires
Des dispositifs tels que les loupes, les lecteurs d’écran et les logiciels spécialisés peuvent aider les patients atteints d’IRD à gérer leur perte de vision.
Ces dernières années, on a également vu augmenter le nombre d’études thérapeutiques explorant de nouveaux traitements pour les maladies rétiniennes héréditaires ; elles sont plus particulièrement axées sur la thérapie génique, qui comporte l’introduction, dans les cellules rétiniennes, d’une copie normale du gène défectueux. Les traitements ciblent spécifiquement certaines causes génétiques de la maladie et certains stades du processus de dégénérescence.
D’autres stratégies, incluant les prothèses rétiniennes, les thérapies par cellules souches, les thérapies optogénétiques [8] et l’édition génique sont également à l’étude.
La FDA (en 2017), l’EMA (en 2018), Santé Canada et la Therapeutic Goods Administration australienne (en 2020) ont approuvé le voretigene neparvovec-rzyl pour l’amaurose congénitale de Leber liée au gène RPE65, afin d’administrer aux patients un traitement spécifique dans les pays où cette thérapie est approuvée.
Ressources externes
1. https://preventblindness.org/wp-content/uploads/2024/04/Inherited-Retinal-Diseases-Factsheet.pdf
2. https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/ceo.13917
3. https://preventblindness.org/inherited-retinal-diseases/
4. https://www.childrenshospital.org/conditions/inherited-retinal-disorders
5. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9654499/
6. https://www.nature.com/articles/s41598-022-24636-1
7. https://www.fightingblindness.org/
8. https://nanostherapeutics.com/technology-2/
9. https://www.aao.org/education/clinical-statement/guidelines-on-clinical-assessment-of-patients-with
10. https://www.retina.janssen.com/inherited-retinal-diseases
11. Daiger SP, Sullivan LS, Bowne SJ. Genes and mutations causing retinitis pigmentosa. Clin Genet. 2013 Aug;84(2):132-41. doi: 10.1111/cge.12203. Epub 2013 Jun 19. PMID: 23701314; PMCID: PMC3856531.
12. https://eyewiki.aao.org/Leber_Congenital_Amaurosis
13. https://www.fightingblindness.org/diseases/retinitis-pigmentosa
14. https://www.aao.org/education/disease-review/stargardt-disease-stgd
15. Hanany M, Shalom S, Ben-Yosef T, Sharon D. Comparison of Worldwide Disease Prevalence and Genetic Prevalence of Inherited Retinal Diseases and Variant Interpretation Considerations. Cold Spring Harb Perspect Med. 2024 Feb 1;14(2):a041277. doi: 10.1101/cshperspect.a041277. PMID: 37460155; PMCID: PMC10835612.